The art of grasse perfumes, an olfactory heritage

L’art des parfums de grasse, un héritage olfactif

Quiconque s’intéresse de près ou de loin au parfum a au moins une fois entendu parler de Grasse, cette petite ville des Alpes-Maritimes en France, considérée aujourd’hui comme le berceau de la parfumerie française, voire internationale. Mais d’où vient ce lien unique entre une expertise locale et une industrie mondiale ? Quelle est l’histoire de cet endroit, pour qu’il devienne quasiment indissociable d’un savoir-faire si particulier ? 

Pour mieux comprendre les tenants et aboutissants de cette ville olfactive, un peu d’histoire s’impose.

Grasse avant le parfum

La parfumerie de Grasse n’est pas née ex-nihilo, elle découle directement de la forte présence d’un métier dans la ville depuis la fin du Moyen-Âge : la tannerie. À cette époque, le principal pôle économique en Europe est Venise, qui se situe au carrefour du Saint-Empire Romain Germanique, de l’Empire Byzantin et du monde musulman. Grasse n’est alors qu’une petite ville qui s’est libérée du servage et du système féodal en nommant ses propres consuls qui vont la représenter et la gérer au jour le jour. Cette relative autonomie lui permet d’entamer une activité commerciale et de signer des accords économiques avec des villes comme Gênes ou Venise. C’est là que commence l’activité de tannage, générant des peaux qui, en plus d’autres produits, seront exportées vers ce qui n’est pas encore l’Italie.

Grasse se spécialise donc dans cette activité pendant plusieurs siècles, qui la voient notamment intégrer officiellement le Royaume de France en 1482, et réaliser de nombreux progrès techniques dans le domaine de la tannerie. Les cuirs de Grasse acquièrent une réputation de grande qualité, mais une problématique récurrente se révèle : les cuirs sentent mauvais, car les méthodes de tannage peuvent employer des urines et excréments (animaux et même humains), chose qui ne plaît pas à la noblesse qui porte des gants en cette matière. 

C’est là qu’un tanneur Grassois du nom de Galimard a l’idée de créer des gants en cuir parfumé dans des « bains de senteur » (eau de rose, épices), selon la méthode dite “orientale”, importée par les Sarrasins et les Maures d’Afrique du Nord. Il ne s’en rend peut-être pas compte tout de suite, mais cet artisan vient de changer la face de Grasse, et même davantage.

Naissance de la parfumerie de Grasse

Le fameux Galimard prend l’initiative d’offrir une paire de gants parfumés à non moins que Catherine de Medicis (qui sera Reine de France entre 1547 et 1559), qui sans surprise sera séduite par le cadeau. Dès lors, tous les tanneurs traitent leur peaux avec des plantes, notamment par l’enfleurage (absorption des essences par un corps gras), le gant parfumé se répand à la Cour et dans les milieux aristocratiques. La ville s’est trouvée une nouvelle expertise : le parfum de Grasse, damant le pion à Montpellier qui en était auparavant la spécialiste (création d’onguents, etc…)

Au XVIIème siècle, les parfums de Grasse vont devenir l’activité principale de la ville, à cause du déclin de l’industrie du cuir, fruit des hausses des taxes et d’une rude concurrence. Il faut dire que le territoire de Grasse et ses environs est particulièrement propice à ce nouveau métier : une multitude de plantes à parfums y poussent (bigaradier, lavande, lentisque, myrte, cassier…) et le climat pour les cultiver est parfait (altitude, humidité, ensoleillement…). Les paysans distillent eux-mêmes leurs plantes et en vendent les essences, pour compléter leurs revenus.

La palette de plantes à parfums de Grasse s’étoffe grâce aux importations d’espèces aux provenances plus lointaines. C’est ainsi que la tubéreuse, le jasmin et la rose, venant d’Italie et même d’Inde, font leur entrée dans la ville que l’on appellera désormais “la capitale des parfums”.

Parfums de Grasse : développement et apogée

Suite à la Révolution Industrielle, et après quelques décennies de développement, la culture des plantes à parfums à Grasse se transforme et grossit de manière spectaculaire. Le début du XXème siècle est pour ainsi dire l’apogée de la parfumerie de Grasse, avec un rayonnement international. Les molécules de synthèse sont apparues, mais l’usage des naturels est encore majoritaire. Quelques industriels grassois ouvrent des usines qui assurent à la fois le traitement des plantes, mais aussi des essences ou concrètes déjà extraites, sur les lieux mêmes de production.

Les années 1960 voient de grands groupes internationaux de la Chimie racheter des usines grassoises. Leurs arômes de synthèse offrent aux parfumeurs une palette de plus en plus riche et variée et des prix très attractifs qui connaissent un grand succès, souvent au détriment des produits naturels… 

La parfumerie de Grasse aujourd’hui 

Cette période oblige ainsi Grasse à commencer à se réinventer et à compenser son déclin de producteur par un renforcement patrimonial, tout le long de la fin du XXème siècle.

Des milliers de tonnes de fleurs traitées il y a cent ans, il reste encore quelques dizaines de tonnes exploitées au XXIème siècle, principalement le jasmin, la rose, la tubéreuse, la feuille de violette et le mimosa. 

En ce début de XXIème siècle, la parfumerie demeure le principal pôle industriel de Grasse. Environ 3500 personnes sont employées au sein d’une soixantaine d’entreprises, et 10 000 personnes vivent plus ou moins directement du parfum - plus de 20% de la population, la ville comptant moins de 50 000 habitants.

Malgré une production désormais réduite, le savoir-faire du parfum de Grasse authentique est toujours là et la ville tente à présent de se faire gardienne de cette expertise et de cette image emblématique.

Les plantes à parfums de Grasse

On peut aisément affirmer que l’héritage de la parfumerie de Grasse s’appuie en fait sur trois composantes de cette activité :  la culture des plantes à parfums, l’extraction de leurs essences et enfin de la fabrication des parfums eux-mêmes.

Concernant les plantes, on compte une grande diversité d’espèces d’arbres, de fleurs et d’aromates dont les composés odorants pourront être extraits de différentes manières. 

* Le bigaradier est un arbre généreux qui offre à la parfumerie son fruit (la bigarade ou orange amère), ses fleurs (qui donnent l’essence de néroli, l’absolue de fleur d’oranger et l’eau de fleur d’oranger) et enfin ses rameaux (desquels résultent l’essence de petitgrain). Alors que le zeste du fruit est pressé à froid, la fleur est soit distillée pour obtenir le néroli, soit extraite au solvant pour l’absolue. Les rameaux sont également distillés dans les désormais célèbres alambics.

* La lavande, qui exhibe ses nuances violettes et bleues dans des champs qui s’étendent à perte de vue, peut être soit distillée, soit extraite au solvant. Le parfumeur a donc le choix entre l’essence et l’absolue de lavande.

* Le myrte, arbuste moins connu, dont les feuilles et tiges sont distillées pour obtenir une essence à l’odeur aromatique, balsamique et camphrée, si utile dans de nombreuses compositions masculines.

* Le jasmin, plus précisément la variété Grandiflorum, compte parmi les plantes à parfums importées vers le XVIIème siècle pour renforcer l’activité de parfumerie de Grasse. Il occupait il y a encore quelques décennies une main-d’œuvre importante : les fleurs devaient être cueillies à la main au lever du jour, au moment où leur parfum est le plus développé, pour être traitées immédiatement, par distillation ou extraction au solvant. Grâce à sa fragrance inimitable et opulente, il est devenu si emblématique qu’il est aujourd’hui surnommée “la fleur” à Grasse. 


* La rose cultivée aujourd’hui à Grasse est la variété Centifolia. Appelée également Rose de Mai, elle est le résultat de la mutation d’une autre espèce venue d’Asie Mineure, Rosa Gallica, et on l’extrait par distillation ou au solvant. Incontournable dans les champs de Grasse, où elle bénéficie du climat et de la fertilité du sol, la rose est présente dans d’innombrables parfums de Grasse.


* Le mimosa (et la fleur de cassie, sa cousine) est reconnaissable de loin grâce aux pompons qu’il arbore, colorant de son jaune pimpant toute la côte d’Azur. Provenant en fait d’Australie, le mimosa est devenu un symbole du sud-est de la France, et l’on ne s'étonne pas d’en trouver en quantité à Grasse. Il entre dans la composition de notes florales, poudrées ou vertes.

Parfums de grasse : la création

En plus de bénéficier de la culture de nombreuses plantes à parfums et de leur extraction, la ville de Grasse a également construit son héritage en contribuant à créer de beaux parfums authentiques. La rencontre entre Ernest Beaux, parfumeur, et Gabrielle Chanel, fondatrice de sa maison de couture, prit place à Grasse et le parfum légendaire qui en découla comprend une quantité non négligeable de jasmin et de rose de Grasse.

C’est un exemple parmi tant d’autres qui démontre que la ville ne s’est pas reposée sur la culture ou l’extraction des plantes, mais a su également développer de véritables centres de création.

Aujourd’hui encore, de nombreuses maisons de composition sont présentes à Grasse, des leaders mondiaux (dsm-Firmenich, IFF-LMR) aux sociétés de taille plus réduite (Robertet, Expressions Parfumées), sans oublier les fabricants historiques de parfums de Grasse (Molinard, Fragonard etc…) et de nombreux parfumeurs indépendants, tel qu’Isabelle Burdel, créatrice de la maison Olfactory Revelation.

Dans cette ville de patrimoine, qui malgré les aléas économiques a su se réinventer en préservant son histoire et son savoir-faire, tous les ingrédients sont réunis pour imaginer, créer, fabriquer et produire du parfum de Grasse authentique.

Amoureuse de cette ville riche de son histoire et généreuse des fruits de sa terre, Isabelle Burdel en restitue toute la beauté et la bienfaisance à travers des créations signées et riches en matières premières locales, fidèles à la réputation iconique de la parfumerie de Grasse.

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